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CHRONIQUES DES PERDUS.

CHRONIQUES DES PERDUS.


La quête.

Publié par Mehdi Elz. sur 11 Janvier 2014, 21:35pm

La quête.

Il avait neigé pendant toute la nuit, et il était maintenant étendu sur de la boue, couvert par des couches de neige d’une blancheur magnifique. Il sentait le froid attaquer chaque os de son corps, s’y introduire de force. Il n’avait aucune idée pendant combien de temps il était resté dans cette position, mais il savait que cette douleur qu’il sentait dans ses jambes, ses bras, et chaque autre partie de son corps était réelle. Mais il ignorait la douleur, il ne pouvait point trouver le courage de se lever, marcher, se sauver. Se sauver de quoi ? De l’inconnu, de lui-même, de ce qu’il était devenu. Il referma alors les yeux, s’imagina au fond d’un lit avec des couvertures chaudes et un déjeuner délicieux posé sur une table à côté de lui. La soupe chaude était posée sur un plateau, et son odeur franchissait agréablement ses narines en le faisant baver. Puis, le froid lui pinça la peau dure, le fit réveiller. Il revint à la réalité aussi vite qu’il s’en était libéré. La neige avait commencé à tomber de nouveau, plus blanche et plus froide. Des nuages gigantesques partaient à la rencontre du soleil, le cachèrent et empêchèrent sa lumière de se disperser. Il ne s’était même pas rendu compte que le jour s’était levé !

Puis il se leva, ses pieds nus creusant de minuscules tombes dans la neige. Il marcha, sans pour autant savoir où aller, où se diriger. Il savait qu’il était à la recherche de quelque chose, quelque chose qu’il avait perdue depuis très longtemps, ou quelque chose qu’il n’avait jamais encore vue. Les nuages quittèrent le soleil, le laissant seul à occuper son trône au milieu du firmament matinal. La neige fondit, laissant instantanément place à de petites gouttes d’eau qui arrosèrent les feuilles vertes. Le spectacle qui s’offrait à ses yeux avait quelque chose de triste et de déprimant. Il détourna son regard sombre et essaya de passer sa main dans ses cheveux, mais ses doigts se trouvèrent prisonniers de ses courbes noires. Il ne s’était jamais senti aussi perdu auparavant. Il n’était plus qu’un autre inconnu dans le monde des inconnus, un ancien visage dont les traits ont été effacés par l’injure du temps, une âme errante allant inconsciemment à la rencontre de sa destinée. Il n’était, et il le savait, qu’un autre pion dans le jeu du sort et du destin, comme un million de ses confrères. Ses pas commencèrent à s’alourdir alors, comme si sur ses épaules pesait l’espoir de toute une génération, celui de l’armée survivante, celle qui a tout vu en fermant les yeux.

Devant ses yeux s’étendait une clairière au centre de laquelle se trouvait un ruisseau. Sans seconde réflexion, il se déshabilla et sentit une bouffée d’air froide effleurer sa peau, puis se jeta tête la première dans l’eau glacée. Il sentit chaque parcelle de son corps se geler, puis se briser en mille morceaux. Et puis, soudainement, la douleur revint. Il sentit sa tête se briser en deux, sa peau brûler et ses entrailles se déchirer. Les larmes lui montèrent aux yeux, sa gorge explosa en un cri silencieux. Il se rendit alors compte qu’aucun son n’arrivait à franchir ses lèvres pulpeuses. Une brusque image heurta ses pensées et les dispersa au fond de sa tête. Un jeune homme qui lui ressemblait, les cheveux en bataille, des yeux d’une couleur noisette, des cils gras et un large nez, l’observait d’un regard profond, le fantôme d’un sourire sur le visage, mais il ne pipait mot. Il finit par retourner sur ses talons en le laissant dans sa misère, et n’importe les efforts qu’il employa en essayant de l’appeler, il n’y arrivait pas. Quand il sortit finalement de ses songeries, il était de nouveau étendu sur la neige, les pieds nus et le corps froid. Il se leva alors de nouveau.

La clairière était toujours là, et le ruisseau toujours en son centre. Il marcha, et marcha, dépassa le cercle aquatique, et laissa la neige s’infiltrer entre ses orteils. Il ne comprenait point ce qui se passait, mais n’en avait pourtant aucune envie. Le bleu azur du ciel vira soudainement à un rouge chaleureux, et une brise vint le faire chavirer. Tout lui semblait vague, un paysage caché par une brume divine, un ancien souvenir que les jours avaient impitoyablement lavé. Crac! Le son vint déranger sa paix intérieure. Levant la tête, il vit la même silhouette qui était venu le visiter quelques heures auparavant dans ses rêves. Les mêmes cheveux bouclés et le même teint brunâtre. Ses yeux le fixaient toujours avec autant d’intensité, troublants. Il essaya alors de s’approcher de lui, de son sosie, sans même se demander si ce qu’il voyait était réel ou non. Mais à chaque pas qu’il faisait, l’autre en faisait deux, s’éloignant le plus rapidement de lui. Et puis soudainement il disparut complètement. Au même moment, le firmament s’obscurcit, la lune s’élargit, les étoiles s’éparpillèrent et un Ding! puissant se fit entendre, comme une antique horloge qui attendait depuis tellement longtemps de retentir. Le son se fit entendre une deuxième fois, puis une troisième. Les sens en éveil, il courut à la recherche de la source du bruit. Ses pas le guidèrent de nouveau parmi les arbres gigantesques, alors que le septième Ding! retentissait. Il doubla sa vitesse, courant le plus vélocement qu’il pouvait, le onzième Ding! était plus fort. Il le vit alors de nouveau, son invité, son visiteur, sa quête, sa destinée, un sourire nostalgique aux lèvres. Il se tenait devant une grande horloge de bois, et le douzième Ding! atteignit alors ses oreilles. Il tomba instantanément par terre, le souffle coupé, fermant les yeux, tendant la main vers son sosie, un dernier sourire éclairant son visage. Il comprit alors que la quête venait d’être perdue.

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